Un incroyant habité par Dieu

Un incroyant habité par Dieu

 

Il se dit athée.
Il se dit libre de toute foi, révolté contre le divin et ses fausses promesses.
Et pourtant, à chaque page, j’entends en lui une prière qui ne veut pas dire son nom.
Une manière d’appeler Celui qu’il prétend ignorer.


C’est cela, la beauté d’Ancolies : il croit sans vouloir croire, il prie sans s’en rendre compte.

J’ai relevé ici quelques extraits plus révélateurs de cette foi enfouie en lui. Mais, à vrai dire, tous nos échanges sont empreints de ses questionnements sur le sujet de la foi en Dieu.

 

Une foi blessée, qui se cache sous la dérision

 

Je me souviens de ce passage où il évoque son rapport à la bonté plus qu’à la croyance. Il cite le Dalaï-Lama :

 

« Je crois que la réponse à vos interrogations sur ce qui nous rapproche est très simple… Elle est de la bouche du Dalaï-Lama : “L’important n’est pas de croire ou ne pas croire, l’important est d’être bon.” »
(Ancolies)

 

Il rejette la foi comme système, mais non la bonté, qui en est pourtant le cœur.
Sa spiritualité passe par la morale, par la tendresse humaine : une foi qui ne veut pas se dire.

Il rejette la conversion, pourtant emploie assez souvent l’expression : « Bon Dieu », « Mon Dieu », « Dieu », comme un marteau émotionnel.


Il refuse la croyance organisée mais garde les mots, les images en lien avec le divin :

 

« Chouchou du Bon Dieu : j'ai un ami très fervent, lui aussi, qui m'a assuré il y a bien des années que nous avions tous un ange gardien et que lui priait quotidiennement le mien.
Si sa théorie est exacte, je dois reconnaître que mon ange gardien a toujours et toujours extrêmement bien fait son boulot. Mille fois. »

 

C’est une observation : l’idée d’un ange qui veille lui paraît  probable, utile, presque vraie.
Là encore, la posture « je suis athée » vacille devant les images et les paroles qu’il prononce.
Ancolies est habité par une foi profonde mais le plus souvent ignorée, enfouie au plus profond de lui.

La spiritualité est une dimension qui l’habite.
L’ange n’est pas pour lui qu’une simple figure littéraire.

 

Le cri du non-croyant adressé à Dieu

 

Plus loin, dans un texte vibrant, la révolte atteint son sommet.
Il parle au monde, au mal, à la haine, mais soudain le cri se transforme en invocation :

 

« ...Le désert appelle le désert, la haine appelle la haine.
L’amour appelle l’amour et l’écrit l’écriture.
…Mon Dieu, quel est ce nouveau monde ? »
(Ancolies)

 

Ce n’est pas de la dévotion, c’est un appel.
Et cet appel prouve, malgré lui, qu’il ne s’est jamais tout à fait détourné.
Il s’adresse à un Dieu qu’il conteste, mais qu’il nomme encore.

 

Il déclare se tenir loin des modèles religieux, mais sa parole glisse vers des exclamations qui prennent la couleur du religieux :

 

« Fort heureusement je ne suis pas Christ et n’aurai donc pas à me fader d’une résurrection.
…Mais Bon Dieu, qu’est-ce qu’ils me font chier, qu’est-ce que vous me faites chier, qu’est-ce qu’ils nous font tous chier… »

 

Il y a chez Ancolies, assez souvent, un appel qui transperce l’ironie.
La contradiction n’est pas seulement rhétorique : elle est vivante.

Ses contradictions disent quelque chose d’essentiel sur lui.
Les blessures du passé qu’il a subies de la part de l’Église et de ses représentants, comme bien d’autres épreuves, ne sont pas pour rien dans ses positionnements.
Les paroles d’Ancolies, son discours, disent aussi que la foi peut se cacher sous la peau d’un incroyant, comme la braise sous les cendres.

 

Ma foi, son miroir

 

De mon côté, ma foi ne se cache pas. Elle se dit simplement.
Je n’ai jamais cherché à la justifier ni à la défendre : j’essaie juste de la vivre.
Elle s’enracine dans la prière, dans mes gestes quotidiens.

 

« Même si je pleure au milieu de mes nuits,
ma foi blesse mon âme d’une lumière en pluie.
Tout est grâce. »
(Sylvie Deogratias)

 

Ma foi est une certitude tranquille : elle se fait humble, blessée, mais elle demeure ouverte, confiante.
Elle ne s’oppose pas à lui : elle répond, elle écoute.
Et parfois, elle reconnaît en sa colère un écho du même désir d’absolu.

 

Ce qu’il nie, c’est ce qu’il cherche

 

En le lisant, j’ai compris que l’athéisme d’Ancolies n’est pas un mur : c’est une brèche.
Derrière son ironie, il y a une douleur.
Derrière son refus, un espoir.
Sa parole déchire le ciel qu’il dit ne pas voir, mais elle le traverse malgré tout.
Il est comme ces croyants sans église, ces priants sans mots, qui tendent la main vers l’invisible sans oser dire qu’ils y croient.

 

Ma conclusion

 

Je ne cherche pas à le convaincre.
Mais je veux le lui dire : ses textes, malgré lui, témoignent d’une foi vivante, blessée, contradictoire, mais bien réelle.
Il est peut-être plus croyant qu’il ne le pense.
Et s’il ne prononce pas le mot “Dieu” avec la même douceur que moi, il en parle avec la même urgence.
Et cela suffit, je crois, pour que nos deux voix se rejoignent dans le silence où tout commence.

 

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