

Le goût de vivre
« Quand on n’attend plus rien, il peut arriver n’importe quoi. »
(Christian Bobin)
Les fleurs peuvent s’exhaler à l’ombre d’un peuplier, je n’en ai plus rien à faire. Les oiseaux peuvent s’égosiller dans leurs chansons printanières, qu’est-ce que cela ? Le Soleil peut briller à en brûler les blés. Peu importe. Les amis peuvent appeler, comme ça, pour parler de « tout et de rien » comme on dit. A quoi bon ? Qu’est-ce que cela apporte ?
Une vague musicale en fausses notes fredonne en moi, les fleurs se fanent les unes après les autres, le mouvement de la mer en ma respiration est bien plus lente, les feuillages des arbres se moquent à présent du sens du vent.
L’animal dans mon ventre ne cesse d’imiter le cri du loup, les trottoirs des villes filent à la vitesse de mes pas sans attrait, sans plaisir aucun. Les vitrines peuvent s’étourdir de couleur, je reste impassible. Les forêts peuvent valser la danse de l’été avec les ailes des oiseaux et les fougères rieuses, rien ne me dit. Rien ne me chante. Rien ne m’attire.
Je suis sous l’emprise de l’Absurdie. Sans direction, ni passé, ni avenir. Ni de présent non plus.
Je ne suis nulle part. Coincée entre théorie et pratique. Entre le vide et le plein. Je ne sais plus où j’habite, ni qui je suis.
Le manque du goût de vivre a tout emporté comme les feuilles à l’automne emportées par la saison du deuil.
Je m’effeuille comme la rose, pétale après pétale, sur le sol humide du chagrin. Rien ne me dit. Rien ne vit.
Je suis en mode « pause » sur le bouton de l’existence. Le mot « repeat » me serait trop pénible.
Debout au bord de l’abîme, je voudrais me jeter, non pour mourir, ni pour vivre, juste pour voguer, comme ça, entre deux mondes, dans la neutralité du manque.
Si je pouvais tourner comme une éolienne, jusqu’au vertige, dans l’espace de ce goût absent, de ce vent à part, je me laisserais aller tout pareil. Sans lutte. Sans regrets. Juste tournoyer en carence.
D’où nous vient le goût de vivre ? La réponse des spécialistes ne saurait me satisfaire. Je préfère, et de loin, partir seule dans ce néant sans nom, ce dénuement sans envie, cette indigence du mal de vivre.
Oui, comme un bateau à la dérive, sans chercher à m’en sortir, sans amerrir. Rien. Rien d’autres que de glisser au fil de l’eau.
Comme ce doit être bon de planer dans les airs, sans domicile, sans montre, sans envie, sans quête, ni destination. Juste portée par le vent du rien. Dans l’absence du désir.
Et pourquoi pas ?
Le goût de vivre est parti, il reviendra je ne sais quand. Un jour peut-être mais quand ? Nul ne le sait vraiment. Quand reviendra l’Amour ? Peut-être. Pas sûr. Pour le moment, je flotte en son mystère, sans censure ni jugement.
Que Dieu m’y prenne ou m’y laisse.
Lui dont L’Amour est la seule Espérance.
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