Marquise Hildegarde de la Poupinette

Marquise Hildegarde de la Poupinette.

 

Posologie : deux à trois fois par jour, tout au long de l’année.

 

Mode d’emploi : 

Mes très chers concitoyens, comme vous le savez déjà, je fais partie du réservoir intellectuel de notre pays. J’ai donc à cœur de vous instruire de toutes les fonctions hors normes qui relèvent de mon autorité. Il est des sujets qui ne peuvent souffrir la contradiction. Je suis Marquise, voyez-vous, en conséquence, il est indubitable que toute objection à ce que je vais dire serait d’une grande impolitesse eu égard à mon rang. 

 

Préalable : 

Alors commençons :  Je suis donc Marquise Hildegarde de la Poupinette, ce titre si honorable est lié à toutes les nombreuses tâches qu’il me revient d’exécuter très régulièrement. Depuis le jour où je suis née, je n’ai jamais manqué à mes devoirs. 

Dans ma situation, voyez-vous, il est des obligations auxquelles on ne peut échapper. Vous êtes mes subalternes, je vous en suis très reconnaissante. Un tel positionnement de votre part est un atout indiscutable pour me servir à bon escient.

 

Mode d’emploi :

Les tout-petits :  

Commençons par les plus jeunes d’entre vous : Hors de question mes enfants de vous tenir n’importe comment et surtout, Miséricorde ! Point de laisser aller ! On ne me tient pas avec un poing fermé, mais bien comme il faut, convenablement, bien placée entre les doigts. Il faut garder ses bonnes manières, cela s’apprend dès le plus jeune âge. C’est un peu comme dire : « Salut ! » au lieu de : « Bonjour ! ».  Mon Dieu, que c’est impoli !

 

Les enfants : 

Je suis aussi d’un naturel si bien élevé que voir des enfants manger en gardant les coudes sur la table me donne d’affreux maux de tête. Merci de laisser vos coudes le long du corps. Seules les mains doivent être posées devant vous. Sans quoi, soyez certains que je ne manquerai pas de venir vers vous avec vigueur. C’est ainsi. La maîtresse de maison saura vous piquer les coudes grâce à mon aide si précieuse.

Ne me parlez pas de maltraitance, d’interdiction de la fessée ou autres inepties à la Dolto. Que d’erreurs en son nom ! Je vous en prie, une petite remontrance au bon endroit n’a jamais fait de mal à personne.

 

Les adultes : (Préparations culinaires) : 

Dessinez des motifs : 

Sur les pâtes brisées, feuilletées, sablées. Voilà qui est très utile. Une bonne tenue est une grâce à offrir à tout hôte digne de ce nom. Comment donc pourrait-on souffrir qu’on serve des mets bruts, sans ornement, sans beauté ? Une femme peut-elle se passer de maquillage ? Bien entendu. Mais c’est un tel crève-cœur ! Alors qu’un discret mascara, un peu de fard à joues, un peu de gloss sur les lèvres donnent un peu de relief à notre beauté naturelle. Ne minimisons pas l’importance de ces détails qui n’en sont pas.

Piquez les fonds de tartes : 

Ne pas oublier, sans quoi, à coup sûr, les cuissons se feront moins bien. 

De votre célérité à obéir à ces injonctions dépend mon honneur. Je vous en prie, soyez généreux, n’oubliez pas qui vous servez. Je ne suis pas n’importe qui, ma particule n’est pas une option. Elle est de condition aristocratique. L’ignorer serait une grave erreur. 

Ecrasez les bananes, les pommes de terre etc :

Il en est ainsi comme de tout sur la terre : rien ne se fait sans effort. Je suis une travailleuse, jamais je ne reste là, plantée comme un couteau, à ne rien faire. Oh pardon, la comparaison est bien malvenue ! Je ne veux pas m’attirer les foudres de nos amis les couteaux ! Un couteau peut être bien plus féroce que moi ! Ô, excusez-moi, que me prend-il ? Sans doute l’émotion. 

Reprenons : Je suis d’une redoutable efficacité quand il s’agit de mettre à plat tout ce qui est nécessaire pour cuisiner ou pour donner à manger aux tout-petits. 

Oui, je peux écraser. Sans remords. Vous n’avez pas à discuter pour savoir si cela est juste ou non. J’écrase de tout mon poids. Il y a les bons et les méchants ici-bas, de même il y a les dominants et les dominés. Aujourd’hui, quelle horreur, on parle plus aisément la langue de Shakespeare : les winners et les loosers.  Oh que c’est amusant ! Tous ces anglicismes inutiles pour parler de réalités si simples : Il y a ceux qui écrasent et ceux qui sont écrasés. C’est la vie, que voulez-vous, nous ne sommes pas dans le monde des Bisounours. 

 

Battre, fouettez une omelette etc… : 

Comme je vous le disais, je ne puis souffrir les incivilités, le laisser-aller, les manques à la bienséance. Nous avons un savoir vivre très réputé dans le monde entier. En conséquence, je me bats, je tape, je fouette quand nécessaire toute nourriture qui refuserait mes ordres. Comment pourrais-je accepter qu’on ne puisse, séance tenante, se mettre à mon service ? C’est impossible. J’ai un rang à tenir. Certes, nous ne sommes plus au temps des serfs, je ne parle pas d’esclavage. Oh Doux Jésus, je ne suis pas marâtre ! Mais enfin, tout de même, je ne pourrais consentir au moindre relâchement.

 

Placement à gauche : 

Voilà ma place. Entendons-nous très chers, c’est un positionnement des arts de la table. Rien de plus. Pensez-vous qu’en dehors de cette règle à tenir, je me tienne à gauche sur l’échiquier de notre société ? Ah, Dieu merci, non ! Ce n’est pas demain que je donnerai mes voix aux tenants du marxisme ! Quelle idée ! Bêtes comme ils sont, il y a des gens pour penser que je pourrai prendre le contrepied de mes origines. Certains le font. Pas moi. A tout jamais je suis à gauche pendant les repas. Uniquement pendant les repas. 

Mes privilèges sont légitimes. Je ne veux point les abandonner à des bandes de goujats utopiques qui se droguent, qui crient dans les manifestations ou revendiquent des libertés tout à fait contraires à mes opinions. Tenez-vous-le pour dit.

 

Tournez les pâtes : 

Voilà une de mes vertus. Soucieuse que vous ne laissiez pas couler la nourriture sur votre buste, il est très utile de tourner les pâtes avec mon aide si précieuse. J’adore tourner ainsi, ramasser les éléments épars pour former une danse ravissante. Je virevolte, sans vertige, telle une danseuse en tutu. 

Ah ah, ne riez-pas, lorsque je tourne ainsi, mon port de reine, mon agilité merveilleuse font la joie des convives. Tous ébahis devant autant de grâce, je suis comme un petit rat d’opéra juste avant d'entrer en scène.

Prenez exemple : Regardez-moi, puis, imitez-moi. Je suis là pour vous aider. Sans moi, il est presque à parier que vous ne pourriez pas y parvenir. Oh, oh, si tant est que je me mette à parier ! Certes non. Ce sont d’autres mœurs. 

 

Pour la couture : 

Afin de créer des plis, j’enroule avec soin le tissu autour de moi, ainsi ils seront réguliers. Bien entendu, il s’agit d’être prudent : la machine à coudre doit être utilisée avec lenteur. Ce serait dramatique que l’aiguille ne vienne à me percuter. Oh là là, imaginez-vous cela ! Je n’ose y penser sans trembler.

 

Pour le bricolage : 

Je peux éventuellement aussi rendre ce service si vous n’avez pas de tournevis sous la main. Avec une de mes dents, je serai heureuse, là encore, de tourner pour visser. On ne sait jamais. Soyez prudent : Il ne faut pas vous blesser. Parfois, je suis si tenace que je risque en effet pour vous rendre service de déraper sur le côté. Ma charité est si légendaire. Il paraît même qu’elle me perdra. J’espère bien que non.

 

Comme arme d’auto-défense : 

Comme le monde est cruel, tant de vilénie nous entoure ! En cas d’extrême nécessité, je peux courir droit devant, entre vos mains, pour aller piquer un peu le voleur, le bandit, le méchant qui chercherait à vous nuire ! Voyez jusqu'où je peux aller. Que voulez-vous je suis naturellement si serviable. On est ainsi dans mon milieu.

Soyons clairs : 

Ces trois derniers usages doivent être exceptionnels.

 

Résumé : 

Parée d’une aura peu commune, merci de prendre soin de moi. Que seraient vos repas, vos réceptions, vos cuisines sans ma grâce naturelle ? 

Merci d’avance. 

                                                    Signé : La Marquise Hildegarde de la Poupinette. 

                                                                      

                                                    Pseudo : La fourchette.

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