L'irrésistible

L’irrésistible

 

Le jour de ma mort, je serai seule. Absolument. Et ceci même entourée de quelques amis ou de ma famille.

Que sait-on de ce moment inéluctable qui vient pour chacun d’entre nous ?

Je pourrais vous raconter les paroles de saints ou ce que dit ma religion.

 

Pourtant, non, je ne désire pas parler de la mort de cette façon-là. Je préfère, si vous le voulez bien, vous en parler comme on parle à un ami, à même hauteur, à même soif et même faim.

 

Je le répète : Le jour de ma mort, je serai seule. Absolument. C’est une chose certaine. Je veux dire seule avec moi-même, avec Dieu qui vient, avec ceux qui m’entoureront de leur amour et de leur prière. Peut-être. Ce n’est même pas sûr.

 

On meurt toujours tout seul finalement. C’est un des rares moments où la solitude ne peut nous être enlevée.

 

Cet instant de vérité m’impressionne. Notre envie de plaire sera rendue vaine, aucun jeu de séduction ne viendra plus nous troubler. Fini les ovations, notre soif de reconnaissance sera rendue vaine. Ce sera l’heure. Notre heure. Avec un grand H.

 

Il ne sera plus temps de dire ce qu’on a retenu, de clamer notre amour et nos regrets. L’heure de vérité, je crois que c’est ainsi qu’on pourra l’appeler. Sera-t-elle un rendez-vous ou bien la fin de tout ?

 

Elle sera la fin des mensonges, le terminus de nos propres vanités, de nos masques et maquillages. Nous n’aurons plus besoin de briller, plus la peine de faire semblant. L’honnêteté envers soi nous éclaboussera de son éclat. Le surmoi s’endormira. Les fausses croyances sur nous-mêmes, notre philosophie, nos sagesses, nos certitudes aussi, tout s’éteindra comme bougies dans le noir. Nous serons déshabillés de l’intérieur. A l’extérieur aussi.

 

Le germe doit mourir.

 

J’espère mon Dieu, comme on le dit souvent, que la prière des anges m’enveloppera, que ma foi m’emportera dans tes demeures, que j’embrasserai enfin cet Amour au-dessus de tout Amour.

 

Je n’aurai plus à connaître les codes sociaux, les mondanités, les formules de politesse. Tout sera rendu vain. A commencer par nos mensonges, nos contre-vérités, nos revendications, nos légendes personnelles. Nos apparences aussi. Nous serons nus comme le jour de notre naissance. Nu comme l’Amour lorsqu’il est vrai.

 

L’Amour et la mort vont si bien ensemble. La mort n’est pas l’opposé de la vie. Bien au contraire, elle est l’Amie de l’Amour et de la vie.

 

La graine doit mourir.

 

Les rideaux pourront être tirés, la porte se refermer, les fenêtres closes, rien ne comptera plus. Seule importera notre intériorité enfin désarmée. Pour une fois, nous serons sans nos faussetés et nos fables. Tout à fait collés au réel.

 

L’invisible enfin nous attirera sans nos mépris ou nos dénégations. Sans orgueil ni démesure. J’avancerai comme un enfant sans défense qui ne joue plus à faire « comme si ». Je pourrai enfin me blottir dans le sillon des vérités si longtemps oubliées.

 

La semence doit mourir.

 

Est-ce que j’ai peur de la mort ? Oui et Non. Tout dépend si je la vois comme un passage, un tribunal, un anéantissement ou une étreinte.

 

D’ailleurs à bien y réfléchir, ne serait-ce pas un peu tout à la fois ?

 

Il en sera fini des normes et des adaptations, des règles et des consommations, des grandiloquences et nos acclamations.  Terminé enfin notre cinéma. On ne se regardera plus ni souffrir, ni discourir. Plus de public pour nous blâmer ou nous applaudir.

 

L’Amour, c’est lui qui m’attire le plus dans ce grand mystère qui se rapproche à chaque minute. Sa petite fleur, c’est-à-dire la tendresse, porte également en elle un effet hypnotique. Comme l’oiseau prend son envol, j’imagine mon âme partir sans retard vers le centre du Soleil. Illuminée par sa lumière. Attirée d’une manière irrésistible.

 

Irrésistible : N’est-ce pas finalement le mot qui définit le mieux ce qu’est la mort ? Un irrésistible. Par sa forme, par son fond, sa nudité, sa pauvreté, sa puissance et sa brûlure. Si semblable à toutes les fois où je vous aime.

 

L’Amour ne peut mourir.

 

Pour me découvrir : 

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.