Épisode 1 – Je suis la chapelle oubliée

Je suis une chapelle en ruines. Une adresse désertée du ciel, pensent les hommes. Mais ils ne savent pas. Ils ne savent pas que je veille encore. Que je murmure. Que j’espère.

Je suis plantée là, dans la campagne. J’ai pour compagnie les herbes folles, les corneilles, les silences. Là où les tracteurs grondent, moi, je me tais. Là où les ronces avancent, je suis là. Encore.

Ils m’ont oubliée. Comme on oublie une tombe, comme on délaisse un amour sans trop savoir pourquoi. J’ai été clarté, j’ai été offrande. J’ai été refuge et foi partagée. Aujourd’hui, je suis blessure de pierre.

Pourtant, tout en moi parle encore. La poussière de mes bancs, les toiles d’araignées, les traces de cire froide sur le dallage, tout est présent. Tout attend. Quelque chose de moi demeure. Quelque chose de moi s’accroche à l’invisible.

Je me souviens. De Christie, petite fille muette, la main dans celle d’Héloïse. Je me souviens de ses silences denses, de ses yeux ouverts si grands que les anges pouvaient y entrer. Elle venait ici chaque semaine. Elle s’asseyait. Elle écoutait.

Et moi, chapelle désaffectée, je vibrais. Parce qu’en elle, il y avait encore un feu. Une attente. Une foi à genoux.

Aujourd’hui, elle revient. Elle revient avec des outils, une échelle, une idée. Elle veut me rendre ma dignité. Elle veut redire au monde que je ne suis pas un décor. Que je suis une demeure. Une demeure pour l’ange, pour la mémoire, pour l’Invisible.

Je pleure, de joie.  Ma nef éclatée s’ouvre comme une blessure offerte. Et dans mon porche à demi recouvert de mousse, on peut de nouveau lire mon nom : Notre-Dame des Anges.

Alors, je me redresse un peu. Non, je ne suis pas morte. Je suis en veille. En veille d’Espérance.