
En ermitage
Le silence, c’est comme un duvet dont on ne veut plus se séparer, de la douceur en masse, rien de dur.
Le silence comme une ivresse. Plus de mots, plus de bouche, plus de langues, plus de verbes, plus de phrases. Rien que le cœur au contact du silence plein, entier, secret.
Le silence comme une caresse. Plus besoin de parler, quasi télépathique, tout y est dit, tout est achevé. Plus rien à ajouter.
Dans le ciel si bleu, si calme, je nage en lui comme dans une mer d’amour. Rien à prendre, rien à vendre, rien à compter. Tout à donner. Tout à offrir.
Le silence, c’est comme une bulle d’air dans un univers vicié. Plus de tourments, juste ceux du combat pour toujours revenir à lui, sans épée, sans flèches, sans armes.
Juste une âme assoiffée qui crie dans le désert. Après les soubresauts du premier contact, je vogue avec mon voilier, sur l’océan, avec le vent.
Le silence est le langage des anges. Avec une des plumes de leurs ailes, ils essuient mes larmes ; ils gomment mes douleurs.
Dans les cieux si paisibles de mon ermitage, respirer dans leurs chants inaudibles, croire sans sentir, manger sans se presser, chanter sans le son. Rire sans témoins, prier sans s’arrêter.
Respirer l’air du matin, la tasse de thé fumante entre mes mains, c’est accueillir la paix comme on savoure une première gorgée de jour.
Le silence est un cœur qui palpite au rythme de l’invisible. Guerrier combattif, rude et austère. Mais vivant. Tellement vivant.
Le silence comme l’écrin du Divin. Sans masques, sans richesses, sans projets. Il me dépose en Lui comme on protège ce qui nous est cher. Je suis précieuse, unique.
Le silence me chérit comme un époux. J’entends son cœur et le mien, ses vibrations et les miennes, sa parole et mes balbutiements.
Le silence c’est le ciel. Drapée de son manteau de Paix, je suis princesse au milieu des chérubins bibliques.
Je n’ai plus de valeur, plus d’importance, plus de relief. Lui, Lui Seul. Ou plutôt, si, je suis montagnes et vallées, rivières et humus. Je suis tout avec Lui.
Le silence pour y vivre d’amour comme on cueille une fleur rare, un edelweiss au sommet des Pyrénées.
Je prie comme on respire. Je prie comme on marche, comme on boit, comme on dort.
Dans ce silence habité, laver ma vaisselle prend l’allure d’un concert : au milieu des chants d’oiseaux, le bruit de l’eau et de l’assiette remplit de joie sans raison. Juste sentir le plaisir d’exister.
Un instinct spirituel s’éveille. Je creuse en moi la demeure où je Le trouve. Je plonge dans son Astre. « Ne me fais plus jamais sortir de ton rayonnement ». J’immerge ceux que j’aime dans cette lumière. Je les baigne, je les dépose…et puis je pars.
Oui, je repars dans l’abandon, la confiance, dans la voix de l’enfance. Pour tous les autres, pour tout le reste, je répète : « C’est à toi d’y penser ».
Le silence comme une main s’approche, touche et guérit. Cicatrisée par l’onction de son regard partout, je vis seule sous ses pupilles attentives. Je suis aimée. Plus rien d’autres ne compte.
Ah si : le monde. Je le porte en Lui comme un enfant sur le dos, comme un blessé des tranchées, comme un malade défiguré. Mais c’est Lui qui porte…Et puis je pars.
« C’est à toi d’y penser » à tous mes amours, à mes amis, à mes enfants, à mes plaisirs, à ma vie. Tous, tout le monde. Me voilà missionnaire en recluse. Soldate souterraine. Mère spirituelle.
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