Consentir à disparaître du vacarme
Allez comprendre… Il m’a suffi d’un soir, d’un seul, pour comprendre ce que je ne savais pas il y a trois ans à peine : mes mots ne verront jamais l’éclat du grand jour.
En un instant, sans fracas, sans colère, sans plainte, la vérité m’a frôlée de son aile froide : mes livres ne seront pas lus. Pas vraiment. Pas par le grand nombre, pas par cette multitude qui dévore ce qui brille et laisse mourir ce qui murmure.
La saveur de l’attente s’est évanouie.
Je me suis tenue là, debout, regardant mes contes poético-spirituels, mes romans qui plongent dans la sève des âmes, mes textes qui glissent entre prose et prière… et j’ai su.
J’ai su qu’ils ne se vendraient pas.
Qu’ils ne danseraient pas au milieu des ouvrages tapageurs.
Qu’ils ne séduiraient ni les algorithmes, ni les pages jaunes du commerce, ni les curiosités pressées.
Mes mots sont trop silencieux pour le tumulte, trop profonds pour les survols rapides, trop intérieurs pour les vitrines où tout doit scintiller pour survivre.
Et soudain, j’ai vu l’inutilité de ma quête, le côté vain de cette espérance.
J’ai compris que la reconnaissance, dans ce monde-là, était une étoile filante : belle, brève, déjà perdue avant qu’on ait eu le temps d’en faire le vœu.
Alors, doucement, une paix étrange est entrée dans ma poitrine.
Une paix rude, mais vraie.
Parce que consentir, parfois, c’est vivre.
Oui, j’y consens : notre vie avance dans une société où le clinquant gagne sur le contemplatif, où l’anecdote triomphe du sens, où la frivolité a plus de chance que la profondeur de trouver un lecteur.
Je le vois.
Je l’accepte.
Et je ne lutterai plus contre ce réel concurrentiel, mercantile, où le livre est souvent un produit avant d’être un monde.
Je vais terminer ce que j’ai commencé.
Encore trois livres, trois recueils de tous mes textes écrits depuis ces 4 dernières années, j'y déposerai tout ce qui m’habite, mes fragments de ciel, mes feux intérieurs, mes chemins d’enfance et mes nuits traversées.
Trois livres comme trois adieux. Ce sera en 2026. Puis, j'arrêterai tout : plus de site, ni page d'auteure.
Ensuite, je fermerai doucement la porte du marché littéraire.
Je quitterai ce territoire où l’on doit plaire pour exister, séduire pour durer, se conformer pour être vu.
Ce n’est pas pour moi.
Je le comprends désormais avec la même netteté que l’on comprend, un matin, qu’un amour ne viendra pas.
Je ne chercherai plus à être aimée de lecteurs qui ne me verront jamais.
Je ne poursuivrai plus ces « niches », ces « cibles », ces « goûts » aux contours mouvants, étrangers à ma respiration.
Je préfère la fidélité à mon être.
Je préfère laisser mes mots vivre comme des oiseaux sauvages, invisibles peut-être, mais libres.
Voilà.
C’est ainsi.
Je me retire doucement, sans fracas, sans amertume.
Mes écrits continueront d’exister, même s’ils ne sont lus que par l’infime, que par le presque rien.
Ils vivront là où ils doivent vivre : dans l’humble éclat de ce qui ne se vend pas.
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