Le goût du beau

Le goût du Beau

 

J’ai lu dernièrement un texte qui parlait crûment de réalités charnelles. Rien de violent, rien d’obscène à première vue, pourtant, quelque chose en moi s’est déchiré. Une peine sourde, comme un voile tiré sur la lumière. J’ai refermé ces pages avec un goût de poussière dans la bouche, blessée sans trop savoir pourquoi. J’ai eu mal à l’âme, voilà tout.

 

Que de vulgarités dans la bouche des gens. Toute une panoplie qui m’arrive aux oreilles chaque jour. Ces grossièretés voilent le soleil dans mon cœur. Celui qui brillait sans retenue, sans faux-semblant, celui qui éclairait mon intériorité. Un peu comme une éclipse au-dedans, c’est un rapt à la beauté du vivant, à la candeur de l’âme, à la grandeur de notre vocation.

 

Que de gros mots, de répétitions vaines, de bassesses plein la bouche. Ces paroles cachent en une fraction de seconde l’Astre que je voyais dans les yeux de celui qui parlait. Tout d’un coup, le rideau tombe, l’étoile s’éteint, la lune dégringole des cieux. C’est la nuit avant l’heure. Je n’arrive plus à écouter. Fini.

 

Que d’inventions, d’abréviations inutiles, de sonorités claquantes pour les oreilles. Ces facilités verbales veulent mettre à l’aise alors qu’elles me cognent les tympans. Je n’entends plus les harmonies de Chopin, les concertos pour violoncelle, pas plus que la musique de l’âme qui prononçait ses syllabes en dégoût. La surdité m’attrape, le silence obscur envahit tout mon espace. Impossible désormais d’être attentive.

 

Oh bien sûr, comme tout le monde, mes lèvres ont trempé à cette sauce, j’ai prononcé moi-même tant de ces phrases vilaines et sombres. Et puis, un jour, je me suis écoutée. J’ai trouvé cela si laid. Tellement affreux voyez-vous, on ne m’y reprendra plus. Plus je vais, moins je supporte. Je ne sais pas pourquoi. Pourtant, vu l’ambiance, je m’y étais fait je crois. Oh, et puis non, je n’y arrivais plus. Je ne le voulais plus.

 

Que de saletés, de crasses verbales. Désormais, je m’en éloigne autant que possible. Que dire des odieuses écritures qui me sont tombées elles aussi sous les yeux. Toutes ces flèches blessent notre noblesse, notre vocation, notre finalité première. Nous sommes faits pour le Beau. Pourquoi certains auteurs se prélassent dans les détails de leur sexualité volage ? Pourquoi terminer toutes ces phrases par des obésités triviales ?

 

Je vous avouerai qu’en plus, les blagues salaces, toujours au-dessous du niveau de la ceinture, me fatiguent le cœur. La nausée monte en moi, leurs rires fétides, leurs ricanements, leurs cochonneries, leurs salissures orales, non, je m’y refuse absolument.

 

À une époque, je m’exerçais moi-même à rire de ces intrigues rances, à l’odeur de luxure, comme le passage obligé pour se faire accepter. Mais voilà, chassez le naturel, il revient au galop. Cela s’accorde si peu avec ma nature. Évidemment, il m’est arrivé à moi aussi de suggérer, d’improviser quelques tournures, des joutes verbales. Rien à faire, cela ne durait pas dans le temps. Le malaise me saisissait tôt ou tard.

 

Il y a des expressions si ordurières, si indécentes, tellement triviales que la honte me gagnait. J’avais l’impression d’être comme contaminée par ces attitudes prosaïques, par tout ce verbiage, ce vocabulaire écœurant. Je vous avoue même ne pas toujours saisir le plaisir qu’il y a à salir sa bouche avec autant de laideur.

 

Quelquefois, je ne comprends même pas. Pourquoi certains aiment tant donner de détails dits « croustillants » sur les positions sexuelles, les délires et les relents pornographiques ? Car c’est bien de cela dont il s’agit. Ni plus, ni moins. Même s’ils s’en défendent.

 

On est bien loin des mots magnifiques sur le sujet : « le corps, et seulement lui, est capable de rendre visible ce qui est invisible : le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde le mystère invisible caché de toute éternité en Dieu. » (Jean-Paul II)

 

Dans les grossièretés du monde, on est aux antipodes de la mystique, de la beauté de la sexualité humaine. Ce don magnifique où le lit des époux se fait autel, là où se célèbre le don mutuel. La sexualité conjugale vue comme une liturgie corporelle est une si noble réalité.

 

Mais je suis prise pour une imbécile, une idéaliste qui ne connaît rien à rien, je m’illusionne, je fais erreur. Bon. Peut-être. Alors laissons là ce sujet.

 

N’empêche, rien ni personne ne me fera changer d’avis. De nos lèvres ne devrait sortir que ce qui élève, embellit et agrandit.

 

Et après tout, tant pis si je suis jugée ringarde. Je n’en ai plus rien à faire. Il y a longtemps maintenant que j’ai compris.


Tant pis.

 

 

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