Quand la prière irrigue mon écriture

Quand la prière irrigue  mon écriture

sans que le lecteur s'en aperçoive

 

 

Il m’arrive souvent de commencer à écrire bien avant de tracer la moindre lettre. L’écriture, pour moi, prend racine dans un état d’écoute qui ressemble à la prière. Ce n’est pas une prière récitée ou formulée, mais une offrande silencieuse, un espace intérieur où je me rends disponible. J’entre dans ce silence comme on entre dans une chapelle : doucement, avec le désir d’être présente à ce qui va se donner.

 

Il y a, dans cet instant, une respiration qui se pose. La musique, parfois, m’accompagne : le violoncelle qui déploie ses notes graves comme une confidence, le chant grégorien qui élève l’âme par sa psalmodie, ou simplement une mélodie apaisée qui ouvre la voie au recueillement. Dans cette atmosphère, je me tiens prête à accueillir l’inattendu.

 

Les mots viennent alors comme une visitation. Je n’écris pas des prières, je ne cherche pas à les nommer, mais je sais qu’ils en sont traversés. Dans un poème tel quUne trouée de Lumière, les images se sont offertes après un temps de silence habité :

 

« Je vois la trouée de lumière qui le rend beau dedans.
Un lys blanc s’ouvre à l’endroit de son cœur.
Il éclaire tout son intérieur méconnu. »

 

La lumière recueillie dans la contemplation devient phrase, image, souffle. Le poème s’écrit sans que le lecteur ait besoin de savoir d’où vient cette clarté.

Parfois, c’est dans la proximité avec le mystère de la douleur que les mots surgissent. Comme dans À l’ombre du Saule, où j’ai écrit :

 

« A l’ombre du saule, je l’écoutais pleurer comme on reste près d’un ami. […]
A l’ombre du Saule, je ne sais plus très bien qui des deux pleurait jusqu’à changer l’humus en boue.
Mes feuilles éplorées se mêlaient tant à ses larmes que nous n’étions plus qu’un. »

 

L’écriture devient alors prière silencieuse pour l’autre, partage d’un fardeau qui ne se console pas par des mots explicites, mais par la fidélité de la présence.

Enfin, il arrive que la méditation se change en élan d’amour, comme dans Le courant :

 

« Ce beau, ce tendre, ce grand courant d’Amour. »

 

Ce fleuve d’images est aussi un fleuve intérieur. Il me rappelle que l’acte d’écrire est souvent une immersion dans quelque chose qui me dépasse.

 

Ce qui se vit là n’a rien d’ostentatoire. C’est une offrande discrète, comme une fleur posée à l’autel. Le lecteur, souvent, n’en perçoit pas l’origine. Il lit une nouvelle, un conte, un poème, et peut-être sent-il une transparence, une clarté particulière, sans pouvoir dire d’où elle vient. C’est justement cela qui me touche : la prière irrigue le texte sans s’imposer, elle circule en secret, comme la sève qui nourrit l’arbre.

 

Dans ce dialogue silencieux avec Dieu, l’écriture devient une liturgie intime. Elle ne se réduit pas à des mots couchés sur la page : elle est un prolongement du silence, une psalmodie intérieure qui prend corps dans les phrases. Ainsi, écrire est à la fois un acte de création et un geste de foi, une manière de :

 

 Déposer dans le monde un peu de cette lumière cueillie dans le recueillement.

 

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