
Pourquoi je parle de chapelle et non de temple intérieur :
La foi a besoin d’un lieu
Il est de bon ton, aujourd’hui, de remplacer les églises par des concepts. On ne parle plus de sanctuaires mais de “lieux symboliques”, on remplace les tabernacles par l’idée de “temple intérieur”. On veut croire sans appartenir, prier sans se poser, méditer sans s’agenouiller. Cela sonne juste dans les discours modernes. Mais dans la vie réelle ? Je n’y crois pas.
Parce que la foi a besoin d’un lieu. Un vrai lieu. Non pas un endroit flou au fond de soi, mais un seuil qu’on franchit, une porte qu’on pousse, une pierre qu’on touche. Un banc où s’asseoir, un autel usé, un vitrail fêlé, une bougie qu’on allume pour quelqu’un. Un lieu où le silence a une voix. Où le recueillement a des bras. Où Dieu attend, sans bruit.
Moi, je parle de chapelle. Pas de temple. Et encore moins de simple intériorité spirituelle. Je parle d’un bâtiment fragile, modeste, enraciné dans la terre. Un lieu qui a une histoire, des cicatrices, des éclats de beauté. Un lieu qui nous précède et nous survit. Un lieu où les anges, peut-être, tiennent encore la garde quand nous avons tout déserté.
Quand j’ai vu Notre-Dame-des-Anges, cette vieille chapelle délabrée recouverte de mousse et de silence, j’ai compris. Il ne s’agissait pas d’un caprice. C’était un appel. Restaurer ce lieu n’était pas seulement sauver un bâtiment, c’était restaurer une espérance, une mémoire, une adresse. Une adresse du Bon Dieu.
“Je suis une chapelle en ruines. À la croisée du ciel et de la terre. On ne me voit même plus dans ce décor ombragé où je suis oubliée. [...] Je suis un patrimoine oublié. Je n’ai plus aucun sens pour des hommes sans boussole. [...] Cependant, j’ai encore quelques amis qui sont prêts à tout pour empêcher ma démolition. [...] Ma nef, ce qu’il en reste, est chemin d’Espérance.” (La Demeure de l’Ange, chapitre I)
Ce passage, je ne l’ai pas écrit pour faire joli. Il me hante. Parce qu’il dit vrai. Une chapelle oubliée, c’est parfois l’image exacte de ce que devient la foi dans notre époque : un murmure que plus personne n’écoute, un vestige qu’on regarde avec pitié ou ironie. Mais elle est là. Elle espère encore. Et moi, je n’ai pas le cœur de l’abandonner.
Le “temple intérieur” est un concept séduisant, mais un concept ne console pas. Un symbole ne recueille pas vos larmes. Une abstraction ne vous accueille pas au crépuscule quand vous ne savez plus à quel saint vous vouer. La foi, comme l’amour, a besoin d’un lieu pour s’incarner. Elle a besoin d’un toit, de murs, de seuils. Elle a besoin d’un lieu où l’on peut entrer, s’asseoir, se taire. Et croire, même un peu. Même mal.
C’est pourquoi je continue à dire “ma chapelle” et non pas “mon intériorité sacrée”. Parce qu’une chapelle, ce n’est pas seulement un espace de prière : c’est un poème debout. Une cicatrice de lumière. Une brèche entre ciel et terre. Et parfois, un appel au combat. Restaurer une chapelle, c’est restaurer ce que nous avons laissé mourir en nous.
Je crois à la spiritualité incarnée. À une foi qui ne flotte pas dans le vague, mais qui pose les pieds dans la boue, dans la poussière, dans les pierres fissurées. Une foi concrète, humble, qui restaure ce qui peut l’être. Qui croit qu’un mur retapé peut devenir mur de paix. Qu’un toit reconstruit peut devenir toit d’espérance.
Une foi sans lieu, c’est un amour sans maison. C’est peut-être pour cela que je me bats pour Notre-Dame-des-Anges. Pas pour en faire un musée, mais pour qu’elle redevienne ce qu’elle était : un refuge. Un lieu d’accueil. Un secret entre Dieu et ceux qui cherchent encore à croire sans tout comprendre.
Il ne suffit pas de prier dans son cœur. Il faut aussi une terre pour cela. Un abri pour l’invisible. Un espace où la foi puisse poser ses valises, et nous, nos fardeaux.
C’est pourquoi je crois aux chapelles. Parce que la foi mérite d’avoir un lieu.
Pour en savoir davantage, cliquez sur les boutons bleus ci-dessous :
Ajouter un commentaire
Commentaires