La Lune descendante

La lune blanche dans le ciel de nuit avec des gros nuages noirs

La Lune descendante

 

Je connais quelqu’un d’un peu à part, un peu décalé, un peu différent.

Le matin, même s’il fait très froid dehors, lorsqu’il se lève, il ouvre grand sa fenêtre pour contempler l’Aurore.

 

Il aime à regarder la lune descendante. Comme ça. Par moins onze degrés, pas grave, ce n’est pas un problème.

Une fois debout, il prend son petit déjeuner, dans l’air vivifiant du matin encore ensommeillé.

 

Je vois très bien la scène :

 

Dans son peignoir, le café chaud dans sa tasse qu’il tient entre ses mains, la tête dans le vent, il en profite. Il observe le trajet de la lune qui descend tandis que le jour arrive tel un souverain en quête de quelques hommages. Justement, ça tombe bien, mon ami est là, statique, le visage buriné par la musique d’un astre qui s’en va, les yeux tout engloutis dans sa lumière, son corps tout absorbé par sa rondeur.

 

Je vois très bien le tableau :

 

Il est là, immobile, sans rien chercher, rien d’autre que ce contact avec l’univers de nuits, de clartés, de souffles et de fraîcheur. Il est comme ça. Est-ce qu’il pense à quelque chose ? Où le conduit ce spectacle matinal ? Moi qui le connais je vais vous répondre : nulle part. Il reste là, je vous dis, intensément présent à la seconde, à la minute, à ce moment précieux, sans regard ni public. Cet instant minutieux, unique, il y plonge avec gourmandise. J’en suis sûre, c’est une âme simple, un peu spéciale, pas tout à fait comme tout le monde.

 

Il regarde, pourtant, qu’y a-t-il à voir si ce n’est l’éloignement à pas feutrés de la nuit un peu lassée puis du jour orgueilleux qui déjà éclabousse de sa fierté tout ce qui nous entoure ? Qu’y a-t-il à admirer si ce n’est la succession des journées ordinaires ? C’est curieux, vous ne trouvez pas ?

 

Assis à sa table, il trempe ses tartines dans son bol qui fume de chaleur dans l’espace aéré de son petit salon. Devant l’admirable beauté de la lune qui tombe avec grâce, il s’émerveille. Ensuite ?  Il me raconte comme si il n'avait jamais rien vu de plus beau, de plus grand, de plus prodigieux  dès ses paupières ouvertes.

 

La nuit murmure ses adieux dans ses étoiles en larmes tandis qu’avec sa main elle agite son mouchoir tout rond. Ce petit satellite de la terre, fatigué de briller dans l’obscurité, c’est pour ça qu’il tombe. C’est pour ça, tantôt blanc ou jaune, dans l’éclat de sa transparence.

 

Le jour, lui, oh le frimeur, il apparait, sur son cheval blanc triomphal, vainqueur des astres fuyards, des comètes en bigoudis, des rideaux sombres et des vies oniriques. Il rit déjà dans les gorges des oiseaux lyriques, il étourdit avec lenteur l’obscurité sous hypnose, rien ne peut l’empêcher d’advenir. Pas même nos chagrins, nos deuils ou nos regrets. C’est un vantard, un bavard, un sorcier. Mais on l’aime. Forcément. Nous avons tant besoin de sa clarté.

 

Alors, avec moi, fermez bien vos yeux. Tout y est : la fenêtre ouverte, mon ami dans le froid vigoureux, l’aube naissante, la lune qui descend. N’est-ce pas merveilleux ?

 

J’aime cette image, celle d’une âme qui prend son temps, comme ça, juste cette joie simple à goûter la vie. Avec intensité. Si j’étais peintre, j’aimerais dessiner cette petite fraction du temps où lenteur, silence et contemplation de la beauté ne font qu’un dans les yeux d’un humain.

 

J’embrasse les yeux fermés de la nuit voyageuse, je rends son bonjour à l’aube naissante et surtout, je chéris cet être qui boit son café du matin sans rien perdre de la vie. Je lève mes bras à la lune fugueuse, à la nuit brillante, au jour victorieux :

 

Que la vie est belle, que le monde est beau !

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