
Se faire des amis quand on est autiste
L’amitié est un mystère.
Elle ne se décrète pas. Elle se construit, lentement, souvent malgré soi.
Et quand on est autiste, elle peut sembler inaccessible.
Mais elle est possible. Vraiment.
Les difficultés invisibles
Ce n’est pas qu’on ne veut pas d’amis, mais on a parfois de mal à comprendre comment se comporter :
- Quand parler ? Quand se taire ?
- Pourquoi ça change tout le temps ?
- Et si je dis trop, ou pas assez ?
- Est-ce que je dois dire ce que je pense ou le taire ? Comment dois-je le dire ? etc..
Beaucoup de femmes autistes camouflent leurs particularités pour plaire, s’adapter, ne pas déranger.
C'est épuisant. Souvent, elles sont blessées dans leur relation. Oh bien sûr, les difficultés ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Moi, par exemple, je sais bien commment être discrète, être délicate, ne pas brusquer etc...D'autres personnes ont au contraire beaucoup de mal avec toutes ces nuances, ces diplomaties nécessaires.
En ce qui me concerne, le plus dur n'est peut être pas le début d'une relation, bien que ce ne soit pas évident non plus, c'est plutôt de l'entretenir dans le temps...Je ne compte plus, hélas, les relations parfois très amicales, qui se sont brutalement terminées sans que j'en comprenne bien les raisons.
Aujourd'hui, je me dis que c'est sans doute par maladresses de ma part ou par négligences. Ou bien, et c'est le plus blessant, l'autre m'a écartée de sa vie, par rejet. Tout simplement. Au bout d'un moment, l'autre ne doit plus trouver très intéressant pour lui de garder notre amitié vivante.
Serait-ce parce que je suis trop exigeante ? En recherche de profondeur ? Parce que mes goûts ne sont pas les mêmes que l'autre ? Tant de raisons peuvent l'expliquer. Je ne les connais même pas toutes.
Il y a quand même une chose qui s'est reproduite à plusieurs reprises dans ma vie et qui permet de comprendre : Les amitiés où c'est toujours moi qui donnait, qui écoutait, qui répondait, qui soutenait sans que jamais la réciproque ne se fasse jour. J'ai vécu cela plusieurs fois. Est-ce que la personne s'en rendait compte ? Quand il y a une telle inégalité dans la réciprocité d'une amitié, c'est difficile de maintenir cette relation dans le temps.
Les amitiés justes
Pourtant, il existe des personnes qui voient au-delà. Des gens qui n’attendent pas de performance, mais une présence vraie, qui persévèrent et font preuve d'une véritable bienveillance.
Dans Stéréotypie, Aurore découvre cela grâce à Opalin, Garance, Apolline, Aymeric. Des amitiés douces, solides, qui ne jugent pas ses silences ni ses bizarreries, ni ses questionnements.
Le besoin de solitude :
Un autre facteur, peut-être, qui explique les difficultés dans l'amitié, c'est sans doute ce besoin de solitude qui nous caractérise en tant qu'autiste. Combien de fois n'ais-je pas entendu : "ça va Sylvie ? Je te trouve bien silencieuse !" ou bien : "Pourquoi tu t'en vas ? La soirée n'est pas terminée !", "On dirait que tu fais la gueule !".
J'aime être au milieu des autres, quand la fête est dans un esprit bon enfant, quand la joie est réelle et partagée, j'aime bien cela. Mais pas trop longtemps, pas trop souvent, surtout, je déteste quand cela tourne mal. J'entends par là : profiter d'une fête pour se bourrer la gueule, tomber dans des conversations grivoises et autres choses du même genre.
En groupe ou en collectivité :
On éprouve parfois un malaise dans les groupes. Souvent, nous avons des difficultés à initier ou maintenir une conversation, quelquefois même, on a besoin de temps pour traiter l'information. Pour en revenir à moi, j'ai remarqué que mes passions très intenses peuvent ne pas être comprises ou partagées par les autres. Je remarque à un moment donné que la personne qui m'écoute s'ennuie. Que cela ne l'intéresse pas ou bien peu. Ou bien alors j'ai droit à un : "Oui, ça va, j'ai compris. On va pas en parler pendant des heures !". ça, c'est le type de phrase qui est un signal.
Je me rappelle une fois, la psychiatre spécialiste du TSA m'a demandé : "Quand quelqu'un vous dit : " Tu parles beaucoup. J'ai besoin de silence". Que comprenez-vous ?".
J'ai répondu : "Ben, je lui demanderais pourquoi elle dit cela. Je chercherai à comprendre pourquoi". La psychiatre alors m'a répondu : "Vous voyez, cela veut juste dire qu'elle veut mettre fin à la conversation, tandis que vous, à partir de ce qu'elle vient de vous dire, pour continuer encore à parler".
Les environnements bruyants, imprévisibles ou remplis de stimuli peuvent être éprouvants aussi. Cela rend plus difficile la participation à des activités sociales. Personnellement, les activités en groupe sont compliquées. Ma dernière inscription à un groupe de couture a pris fin plus tôt que prévu : je ne savais pas comment me faire des amis dans cette équipe. Je n'osais pas. Et lorsque j'osais, je me sentais terriblement gauche. Sans compter que lorsque les autres personnes se connaissent, que je suis nouvelle dans le groupe, cela prend du temps pour être acceptée. Quant à moi, je ne savais pas comment m'y prendre. Parfois, j'y arrive. Parfois non.
Je ne parle même pas des incompréhensions. Un regard fuyant de ma part peut être mal interprété ; une remarque honnête que je fais peut être jugée « trop directe ». ALors que je crois avoir été très délicate, je découvre ensuite que la personne au contraire me trouve trop cassante, trop brutale. J'en tombe des nues. Ces différences peuvent entraîner bien des incompréhensions.
Le rejet, le manque de confiance en l'autre :
Après plusieurs expériences négatives ou moqueries, il y a comme une méfiance qui s'installe vis à vis des autres. On n'ose plus vraiment prendre l'initiative d'une nouvelle rencontre. Personnellement, j'ose davantage avec des personnes âgées que je vois sur des bancs de square qu'avec d'autres personnes plus jeunes, moins seules, plus occupées.
3. Privilégier la qualité à la quantité :
J'ai découvert sur le tard les réseaux sociaux. Je pensais jusqu'ici que ce n'était pas une bonne idée. Je suis d'une génération où nous n'avons pas toujours connu ces moyens modernes de communication. Aussi, pendant longtemps, je n'allais nulle part : ni sur Facebook, ni sur discord...
Je dois avouer cependant qu'ils m'ont permis d’échanger sans la pression du contact direct. J'y ai même fait de très belles rencontres, des gens, que, dans la vraie vie, je n'aurai probablement jamais rencontrés. J'ai appris depuis que beaucoup de personnes autistes trouvent plus facile d’initier une relation par écrit.
Inutile d’avoir dix amis pour se sentir entouré. Avec les années, j'ai très peu d'amis. De moins en moins. Mais je sais que ceux que j'ai sont des vrais amis. Sur qui je peux compter. Qui m'acceptent comme je suis.
Et les autres ? :
L’amitié ne se construit pas à sens unique. Il est tout aussi important que les personnes non autistes fassent un pas vers une meilleure compréhension de l'autre. Être ami avec une personne autiste, c’est :
-
Apprendre à écouter sans juger.
-
Accepter les différences dans la façon d’aimer, de parler, de vivre les émotions.
- Ne pas censurer les répétitions, les gestes, les mots.
-
Ne pas chercher à « corriger »
Ce n'est pas facile.
Nombre de relations ont échoué dans ma vie parce que je n'avais pas compris les attentes, les besoins de l'autre ou ses goûts si différents de moi même.
La Communication Non Violente :
Une chose m'a beaucoup aidé : Le CNV : La Communication Non Violente.
Cette "méthode" de Marshall Rosenberg m'a beaucoup aidé dans ma vie relationnelle. Plutôt que d'écouter les critiques et les reproches, j'essaie d'entendre l'émotion et le besoin non satisfait qui qui se cachent derrière. Cela m'a beaucoup aidé à comprendre l'autre. Ce fut un pas très important dans ma vie.
En conclusion :
Il n'est pas impossible de se faire des amis. Cela demande davantage de patience, un climat de bienveillance, une acceptation de la différence. C'est à la fois très compliqué et très simple.
Quelques pistes :
- Chercher des espaces sûrs (groupes d’intérêt, forums, bibliothèques...)
- Être soi-même dès le départ : c’est le meilleur filtre.
- Accepter que peu d’amis suffisent.
- Se lier autour d’une passion. Pour moi : l'écriture, la couture, les doudous, la pâtisserie, la théologie....
✨ Écoutez La Voix d’Aurore (podcast)
📖 Découvrir mon livre sur Amazon fin mai.
(Cliquez ci-dessous)
Ajouter un commentaire
Commentaires