
La tentation d’arrêter…Puis la décision de continuer.
Il m’arrive d’y penser très fort ces derniers temps : arrêter d’écrire. Poser ma plume, comme on dépose une charge trop lourde. Regarder mes deux premiers romans, posés là, fragiles esquifs mis à flot avec tant d’espérance, puis me rendre compte du silence qui les entoure. Si peu de ventes, si peu d’échos… alors la tentation me traverse de tout laisser tomber. Comme si la mer me rendait mes bateaux en me soufflant : « Ils ne vogueront pas. »
Et pourtant, quand je relis mes pages, je retrouve les visages qui me tiennent. Dans La Demeure de l’Ange, la chapelle blessée porte la mémoire des pierres, elle attend, patiente, que quelqu’un croie encore à sa lumière. Dans Stéréotypie, il y a Aurore et son fauteuil, Ulysse, ce balancement obstiné, ce geste qui devient respiration, refuge.
Mes livres ont leur style, leur histoire. Ils ne sont pas tout à fait « comme les autres ». Ils sont à mon image : atypiques, profonds. Ils pourraient plaire. J’y croyais. Vraiment. J’y crois encore.
J’ai entendu cette voix qui murmure que le monde ne répond pas, que les bateaux ne voguent pas, que l’écriture n’est peut-être qu’une douleur et rien de plus.
Ce renoncement à écrire n’a pas tenu. C’était une tentation, une visite brève, sombre qui n’a pas pris racine. J’ai failli fermer la porte. Je ne l’ai pas fait. Au fond de moi, il y a encore des pièces à ouvrir, des voix à écouter.
Mes deux livres ne sont pas des preuves d’échec : ce sont des compagnons, des commencements. Et surtout, il y a quatre autres livres qui vont paraître prochainement. Quatre raisons d’avancer. Quatre promesses que je me suis faites en secret, auxquelles je tiens comme on tient une flamme.
Arrêter aurait été me trahir. Écrire n’est pas seulement chercher une reconnaissance extérieure, pas seulement en quête de cette fameuse preuve sociale qui fait vendre. C’est d’abord être fidèle à ce qu’on porte. Mes personnages me l’ont rappelé. Et aussi tous mes autres textes, mes poèmes, mes contes à venir. Alors j’ai choisi de ne pas céder à la tentation.
Néanmoins, j’ai aussi besoin de me taire. Le mois dernier, j’ai vécu une retraite spirituelle prêchée : ce fut une source abondante, une parole reçue qui m’a redonné souffle. Aujourd’hui, je sens que ce n’est plus de parole dont j’ai besoin, mais d’ancrage. Alors je pars. Du 10 au 21 octobre, je serai en ermitage, pour la dernière fois de l’année. Onze jours de désert, de silence, de solitude totale dans un monastère. Non pour fuir, mais pour laisser la paix descendre plus bas, pour que les émotions récentes, intenses, que j’ai vécues ces derniers temps trouvent leur lit dans une intériorité apaisée. C’est une respiration dont j’ai grand besoin.
Certaines personnes ne comprennent pas ce besoin de solitude, cette soif de silence et de spiritualité. Il est vrai que pour le comprendre, il faudrait être en moi. Ce qui est impossible. Mes particularités autistiques y sont sans doute pour quelque chose. Mais pas seulement. Ma foi est vivante et profonde. Elle n’est pas un faire-valoir, seulement une respiration nécessaire. J’en ai peut-être plus besoin que d’autres parce que je suis plus vulnérable. Hors norme. Cela ne me rend ni meilleure ni pire. Je suis moi, c’est tout.
Je m’en vais pour déposer ma fatigue dans une profondeur qui ne trompe pas.
Quand je reviendrai, je retrouverai ma plume là où je l’ai laissée : fidèle. Les quatre livres à venir m’attendent. Chacun porte un souffle, une couleur différente. Je veux leur offrir une écriture plus sereine, plus tenue.
La tentation d’arrêter m’a appris quelque chose d’utile : qu’il faut protéger la source sans l’étouffer, qu’il faut parfois faire une pause non pour fermer, mais pour écouter mieux.
Cette pause aura lieu dans un mois, d’ici là, je poursuis ma belle aventure. Avec vous. En espérant toujours votre amitié et votre bienveillance.
Avec sincérité,
Sylvie Deogratias
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