Ulysse : le fauteuil qui savait tout

"Ulysse, le fauteuil qui savait tout" : Quand le fauteuil devient refuge

 

Il n’est ni en cuir, ni à bascule.
Ni trône, ni chaise de designer.
Mais il a un nom.

Il s’appelle Ulysse.

 

Dans le salon d’Aurore, il trône sans le vouloir, un peu effacé, un peu à l’écart. Pourtant, ce fauteuil est le témoin de toute une vie. Le seul peut-être, à la comprendre vraiment. C’est qu’il ne s’agit pas d’un meuble comme les autres. Ce fauteuil-là respire avec elle, au rythme lent de ses balancements, ce geste répétitif, qu’elle accomplit sans y penser, comme un battement de cœur.

 

"Je ne sais même plus quand j’ai commencé."


Aurore le dit avec ce mélange de pudeur et de lassitude propre à ceux qui ont tenté de s’expliquer trop souvent.

Elle se balance.
Depuis l’enfance.
En silence.

 

Ce que les autres ne voient pas

 

Pour les regards extérieurs, c’est un tic. Un mouvement étrange, peut-être même un peu inquiétant.
Mais ce que personne ne devine, c’est que ce mouvement sauve.
Il canalise l’émotion, il absorbe l’angoisse, il porte la mémoire.
Il restitue une présence là où trop souvent, il n’y avait que vide.

 

Ulysse est son refuge.
Son havre.
Sa cachette douce, secrète, presque honteuse.

Car oui, il y a la honte. Celle que les voix de l’enfance ont murmurée à son oreille, comme une ritournelle cruelle :

"Mais arrête donc ! On dirait une débile !"
"Oh, la honte ! Tu vas encore te balancer ?"
"T’as quel âge, sérieusement ?"

Des mots qui cognent plus fort que n’importe quelle secousse. Des souvenirs qu’Aurore croyait oubliés, mais qui reviennent, comme le ressac, toujours au même endroit.

 

L’amour invisible

 

Il y a entre Aurore et son fauteuil une intimité muette, un lien mystérieux.
Elle s’y assied en tailleur, fredonne parfois, tape doucement son dos contre le dossier.
Et, dans ces moments-là, plus rien d’autre n’existe.
Ni les murs de son appartement, ni les regards, ni le monde.

Elle est là.
Présente.
Entière.
Ancrée dans ce tissu usé qu’elle recouvre de plaids pour le protéger.
Comme on panse une blessure.

 

Et si elle devait le quitter ?
Elle l’a tenté, souvent. En vain.
Elle devient irritable. Comme en manque.

"C’est comme une respiration, mais sans l’air."
"Je me rends compte que je me balance... trop tard."
"Comme on ne compte pas ses respirations, je ne compte pas mes balancements."

Ce lien-là ne se commande pas. Il s’impose. Et elle l’aime, son Ulysse. D’un amour qu’on ne dit pas. Qu’on ne peut pas dire.

 

Une chaise pleine d’histoires

 

Il a vu les colères. Les larmes.
Il connaît les silences et les replis.
Il sait les blessures de l’enfance, la solitude dans les bureaux bruyants, l’incompréhension des conventions sociales absurdes.

Ce fauteuil n’est pas que le témoin de la stéréotypie d’Aurore.
Il est l’endroit où elle ose être, enfin, qui elle est vraiment.

 

Et vous ?

 

Avez-vous, dans votre vie, un objet qui vous rassure ?
Un fauteuil ? Une couverture ? Un livre ? Une tasse ?
Quel est votre Ulysse ?


Sylvie Deogratias

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